Rousseau et Hobbes

L’idée fondamentale d’une possible organisation politique chez Rousseau repose sur la théorie du Contrat social (1762). Idée par laquelle les membres d’une communauté se soumettent : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ».

La conception de la volonté générale, est dégagée de ce pacte. Pour devenir citoyen, l’homme doit renoncer à l’homme naturel. L’abandon de sa liberté naturelle se fait au profit du gain de la liberté civile. C’est cette conception qui permet à Rousseau de parler de volonté générale.

Entrer dans la société, c’est perdre virtuellement sa volonté individuelle, pour mieux déterminer la volonté générale. En d’autres termes la volonté générale n’est pas autre chose qu’une nouvelle volonté, elle n’est pas la somme des volontés individuelles particulières.

(Simon Hantaï – Ecriture d’un manuscrit illisible)


C’est à cette condition que l’homme devient associé, membre de la société, mais surtout garantit sa liberté simultanément comme l’égalité de tous. Il faut donc selon Rousseau : « opter entre faire un homme ou un citoyen : car on ne peut faire à la fois l’un et l’autre ». Le Contrat social de Rousseau est une fiction. On sait que le passage entre un état de nature et un Etat Civil, n’existe pas. En effet cette métaphore d’un droit naturel régissant l’ordre politique est contestable en pratique, mais il n’en recherche pas moins un fondement.

Dès lors, même si la force, – celle qui règne dans l’état de nature – est impropre à fonder une règle, elle est cependant légitime. « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». L’obéissance repose sur un acte libre de la volonté. Aussi les conditions d’un ordre social légitime ne sont possibles que s’il repose tout entier sur un acte de convention, de volontés libres : Le Contrat social. Cette conception entraîne la naissance de la souveraineté populaire. La conséquence la plus immédiate est de poser que la volonté du peuple s’exprime au travers des lois. Aussi, ces lois tirent leur légitimité de la volonté générale et elles ne font que l’exprimer.

Hobbes refuse l’idée que l’homme est naturellement plongé dans l’humanité. Pour cette raison, comme Rousseau, il posera un passage entre nature et société qui se pensera comme le contrat. C’est bien un effet de la nature humaine qui pousse les hommes à s’associer. Dans l’état de nature, l’égalité entre tous demeure et s’exprime par le fait que chaque homme a un droit sur tout. Aussi la conservation de soi, droit fondamental, témoigne dans sa légitimité de « L’état naturel des hommes, avant qu’ils se réunissent en un état était la guerre de tous contre tous (bellum omnium contra omnes) ». Cette guerre durant à l’infini, et cela autant que chaque individu fait valoir son droit à la conservation, rencontre la suppression du droit de conservation propre à autrui. Reste que c’est au cœur de cet instinct, celui de conservation que l’homme trouve un fondement pour une paix et Hobbes de préciser : « Que l’on cherche la paix autant que l’on doit l’avoir » Postulat essentiel qui assure une fondation à une collectivité à partir de ce qui anime chaque individu, et qui ouvre sur d’autres principes : On ne peut obtenir la sécurité que si l’on renonce (partiellement) au droit de tous sur tout. Cet abandon laisse une possibilité au Contrat, expression de ce principe, sous la forme d’une volonté générale qui permettra l’observance des lois naturelles. La naissance de l’Etat est l’institution dont la volonté vaut, en vertu du contrat de tous, comme la volonté de tous. Cette figure de la puissance, Hobbes la nomme le Léviathan.
On pourra dégager trois conséquences importantes. 1) Le pacte social au sens de Hobbes est un effet de convention d’autorisation, ce qui fait que le souverain agit au nom des sujets et que les sujets agissent par les souverains. 2) Le fait que c’est l’autorité et non la vérité qui fait loi, permet de comprendre que la théorie de l’Etat ne saurait en définitive être d’une autre nature que celle des particuliers. 3) Que l’autorité témoigne d’une possible interprétation de l’écriture sainte. Non seulement pour savoir si nous agissons conformément ou non aux lois divines. Mais aussi parce qu’il y a témoignage pour une paix civile.

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