Philosopher, est-ce apprendre à mourir ?

Philosopher, est-ce apprendre à mourir ?

Lorsqu’ Epicure dans sa Lettre à Ménécée soutient que, la mort n’est rien pour nous, il entend peut-être affirmer la nécessité du rejet de la crainte de la mort.  Dès lors, renvoyer la mort à ce qu’elle doit être, c’est-à-dire rien, inaugure la possibilité d’une vie heureuse, ayant comme horizon l’espoir d’accéder au bonheur.

[1] En effet, qui n’a jamais constaté au travers de la figure du philosophe, du sage, les traits de cette vie tant désirée ? Le philosophe, ne semble pas faire grand cas de cette question, tellement celle-ci semble bien éloignée de lui tout autant que son art de vivre lui permet de s’affranchir de toutes les vicissitudes de l’existence.  Par la quiétude qu’il nous inspire, le philosophe n’est-il pas alors un témoignage vivant de ce qu’est un homme libéré, à savoir celui qui se joue de la mort ?[2]

[3] Toutefois, si [4] le philosophe est celui qui semble libéré de la crainte de la mort [5] , alors n’est-ce pas parce qu’il n’en finit jamais de tenter de se libérer ? [6] « Se libérer perpétuellement », semble bien surprenant; comment comprendre le paradoxe d’une crainte de la mort si lointaine pour le philosophe et dans le même temps tout autant présente parce qu’elle est le centre de (la) gravité de sa vie ? [7] Aussi, ne faut-il pas soutenir que si le philosophe est celui qui se joue de la mort, c’est parce que nous reconnaissons à l’activité philosophique le fait de jouer avec la mort ? [8] Si tel était le cas, il nous faudrait alors admettre que la mort ne se pense que sur le mode d’un mourir, d’autant plus essentiel,  qu’il constituerait le sens même de la vie et non une unique finalité. [9]

[10] Dès lors réinterroger l’acte philosophique comme un apprentissage de la mort semble faire droit à l’unique sens de ce que vivre veut dire.  N’est-ce pas l’impossible saisie de la mort qui nous pousse à philosopher, se confondant ainsi avec ce que nous éprouvons chaque jour ; le fait de mourir toujours plus ? Plus avant, cette question n’engage-elle pas l’activité philosophique comme seule vraie vie, authentique ?  On serait en droit, dans une telle perspective, de se demander si philosopher ne revient pas à fonder le pro-jet [11] de sa vie, dès lors que l’on admet que la vie authentique consiste pour l’homme à se saisir, à coïncider au plus près de ce qu’il est. Dès lors, si philosopher revient pour l’homme à se tenir au plus près de son essence et à en révéler la dimension tragique de l’inéluctable, ne faut-il pas alors faire de l’acte philosophique le seul geste nécessaire et propre à l’existence … celui d’avoir vécu en homme ?[12]


[4]Si I Alors II

[5]Résumé de I, permettant d’être la condition nécessaire pour II.

[6]Annonce de II, qui doit s’entendre comme une proposition de sens, de relecture, de complément, de conséquence de I

[7]Ecriture du problème, qui découle du « Si I alors II » et qui réalise le centre de la problématique autant qu’une mise tension des deux axes de lecture dégagés.

[8]L’écriture du problème passe – mais ce n’est pas toujours le cas – par une distinction conceptuelle. Dans le cas présent « jouer avec » et « se jouer de », souligne l’élévation de l’opinion à une opinion rectifiée, le dévoilement d’un sens toujours déjà présent dans l’opinion mais que seul le travail de la pensée peut mettre en avant.

[9]On affine la distinction conceptuelle qui prend la forme de la distinction mourir/mort. C’est cette distinction qui s’effectue par la relecture de « I par II » et donne un sens non encore perçu.

[10]Partie 3 La décision

[11]Usage de Heidegger, mais travaillé dans le contexte du renversement de la notion de mort entendue comme fin, au bénéfice de la mort comme vie et donc d’une vie réelle qui ne peut qu’être philosophique.

[12]Dernière partie de la problématique, « la décision », qui interroge le sens du débat et de l’articulation entre I et II. Dans ce cas, le sens se construira et éclairera la notion même d’existence.

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