Vers une méthodologie…
Quod vitae iter sectabor ?
D écider d’esquisser une méthodologie peut sembler relever du paradoxe lorsqu’il s’agit de la philosophie, plus particulièrement de l’acte philosophique. Rappelons que si l’on apprend pas à philosopher, ce n’est uniquement comme le propose Kant que l’on apprend à philosopher en philosophant. Dès lors si nous sommes confrontés à l’impossibilité de séparer l’acte de son objet, comment penser la nature d’un acte libre et son son apparent enfermement dans un code, une loi préalable qui de par son autorité viendrait se substituer à la pensée elle-même ?
“Quod vitae iter sectabor”, littéralement “Quel chemin vais-je suivre ?” expression de Descartes, découvre tout son sens lorsque la méthode n’est pas un objet extérieur à l’acte de la pensée, mais la nécessité de reconnaître qu’il n’y a pas de pensée en dehors d’une méthode, celle qu’impose la pensée elle-même. N’est-ce pas la spécificité de la dissertation dite philosophique – par rapport à toute autre forme de dissertation, à savoir que cette dernière se doit, tout simplement d’être… philosophique !
Cependant, il serait rapide de dire que le geste philosophique n’est pas – pour les élèves de terminales – institutionnel. Il nous faut convenir que ce geste s’inscrit dans un espace d’autant plus connu que reconnu, qu’est le Baccalauréat : un lieu, un temps déterminé, un événement. C’est pourquoi nous nous proposons, alors que nous convenons qu’il n’y a pas de méthode extérieure pour la dissertation en philosophie mais qu’il en va d’une méthode, d’élaborer quelques pistes de réflexion afin de déterminer au mieux ce qui pourrait advenir non comme une épreuve du Baccalauréat, mais comme acte philosophique. Bien que nous ne puissions dire ce qu’est une dissertation de philosophie, nous pouvons simplement tenter d’élaborer ce qui n’est pas philosophique. Aussi que le lecteur ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un sésame, mais plus exactement d’une invitation à la mise en œuvre d’un philosopher. Reste que nous ne pouvons décider (la cause) à votre place du déploiement du philosopher, mais aussi et surtout préjuger de la finalité de celui-ci.
Cette méthode comprendra deux parties : Un premier volet sera consacré à la dissertation et un second au commentaire de texte. En ce qui concerne cette première partie, nous avons souhaité présenter les différents problèmes relatifs à la dissertation dans l’ordre où ils se présentent, lors du travail philosophique.
La dissertation est l’exercice qui témoigne de votre pensée. Bien loin d’un simple souci scolaire, on pourra remarquer que le « genre » dissertation a été quelquefois le lieu d’une pensée philosophique forte. Ainsi, la dissertation de 1770 de E. Kant atteste d’une sédimentation possible d’un geste philosophique fort allant au-delà du simple exercice, celui d’une mise en forme. La dissertation n’est pas un simple exercice, ou encore une prison stylistique. Sa forme est ou doit être au service de votre pensée. Ce n’est que la gestion de ce moment, de cette occasion qui détermine la réussite d’une dissertation. Se risquer à penser, c’est faire le pari de donner de la forme à votre pensée, un risque qui n’est actualisable que dans certaines formes. La dissertation n’est peut-être qu’un genre, mais à la différence d’un article ou d’un ouvrage, elle exige – parce que c’est ce qui fait son intérêt philosophique – de s’adapter à sa codification. Pour aller encore plus loin, à vous d’user de cette possibilité apparente de la dissertation pour la faire servir votre pensée, votre geste philosophique. Pour se faire, nous allons vous proposer dans les quelques lignes qui suivent, un découpage – artificiel, puisque c’est l’essence même du découpage – entre ce que l’on peut nommer le travail préparatoire et le travail rédactionnel.
Philosopher est un travail, mais le pliage à la dissertation donne la possibilité de montrer en quoi ce travail se détermine, en quoi il se détermine, strate après strate, couche après couche . Autrement dit, apprendre à penser, penser, et penser par soi-même.
A/ Le travail préparatoire
Moment essentiel de l’acte philosophique, il est une intersection entre les impressions, l’étonnement suscité par la découverte du sujet et le pliage de votre pensée dans la forme de la dissertation. C’est cette intersection, ce lieu que le travail préparatoire vise. Comment rendre compte de votre étonnement dans une forme préalablement déterminée ? Cette étape du travail philosophique témoigne en faveur d’un philosopher, dans sa plus profonde nécessité.
Mélange d’une activité, celle de la confrontation au sujet, il est aussi ce moment d’impression où le candidat se laisse imprégner dans son identité de l’enjeu philosophique. En d’autres termes, le travail préparatoire est essentiel parce qu’il articule l’exigence universelle de l’acte philosophique et la particularité dans laquelle celui-ci va se déployer.
Le travail préparatoire qui rend compte de cette articulation entre étonnement et formation peut se distinguer sur trois niveaux. La lecture du sujet, votre lecture, qui implique votre étonnement, convoquera un matériau, le vôtre. Enfin la mise en place de la problématique attestera cette synthèse. On pourra distinguer trois moments forts. 1) La lecture du sujet, 2) l’élaboration du matériau philosophique et une conséquence 3) la mise en place de la problématique. Nous proposons de reprendre ces trois points ci-dessous.
1/ Le sujet, rien que le sujet, tout le sujet
Il faut convenir que c’est le sujet, tout le sujet et rien que le sujet qui doit être traité. Aussi lire le sujet est l’acte fondamental de tout travail préalable philosophique. Au commencement est le Verbe : Depuis le simple mot jusqu’à la lecture d’une citation, la lecture est un geste parce qu’il s’agit déjà d’un acte de pensée. Lire le sujet, c’est penser le sujet. En d’autres termes, il s’agit de se laisser saisir par le sujet – lors de sa lecture – et de faire de cet étonnement la nécessité de le penser. Lire le sujet, c’est comprendre non seulement comment il est formulé (type) mais aussi comprendre chaque mot qui le compose. On pu à cet instant, vous faire remarquer qu’il n’y a jamais de jargon spécialisé dans les sujets de Baccalauréat.
A/ Première indication : La formulation du sujet
Il existe de nombreuses possibilités de présentation de sujet.
– Le sujet question : Cas le plus fréquent, il recouvre le piège de réduire le problème philosophique à l’énoncé du sujet. Il faut donc rester attentif au type d’élaboration de réponse. (1) L’apparence est-elle mensonge ? exige une réponse dans un cadre oui/non. Mais attention, la dissertation doit étayer l’ensemble des points de vue et non pas se contenter simplement de prendre position. Il s’agit donc d’un oui : si, parce que, alors etc… au même titre que la partie négative. Le sujet de type, (2) Pourquoi vouloir le vrai ? , bien qu’il soit de forme interrogative, n’est pas de même structure que le sujet (ci-dessus (1)). Il en va de même pour le sujet (3) Dans quelles mesures l’homme fait-il l’histoire ?
– Le sujet multi-questions : Cas rare, mais à identifier. Il faut donc traiter toutes les questions en les considérant dans leur unité, et seulement, dans un deuxième temps, examiner le lien. (4) Une société sans conflits est-elle possible ? Est-elle souhaitable ?
– Le sujet notion Au Baccalauréat, ce type de sujet est rare, mais il sera le pain quotidien des étudiants en philosophie. (4) La nature, (5) La mort, (6) La guerre, etc… autant de notions isolées, qui demandent une définition conceptuelle, mettant en avant ce qu’il y a de problématique. Remarquons, pour être complet, que dans ce type de sujet, certains sont d’emblée philosophique, (7) La perception et d’autres sont « yé-yé », comme (8) La danse, ou le (9) Le visage. Enfin, certains sont restrictifs, c’est à dire philosophiques sans pour autant l’être d’emblée (quoique) comme ce sujet (10) l’a priori.
– Le sujet énumération Plus rencontré ces dernières années, il demande de sortir la problématique à partir des relations que l’on peut établir. (Cf. infra) (25) et (26) appartiennent à cette catégorie. Mais l’énumération est généralement rencontrée sur des modes ternaires, « yé-yé » ou non. (11) Métro, Boulot, Dodo ou plus philosophiquement (12) Regret, Remords, Repentir. Quoiqu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue la question du lien, possible entre les notions. En d’autres termes, conserver à l’esprit que la philosophie est une affaire de clarification des notions et une tentative de définition, dans ce cas, d’une notion par rapport à l’autre.
– Le sujet citation Toujours courte, il faudra évidemment l’analyser et la comprendre, afin d’en dégager le problème central. Ainsi (13) Philosopher c’est apprendre à mourir pose la question du sens d’une vie philosophique, aussi bien dans sa finalité que dans sa pratique. La compréhension de la citation, va simultanément avec les différentes approches de la citation que pouvez faire. Dans (14) Ni la mort ni le soleil ne peuvent se regarder en face, on pourra s’interroger sur le rapport entre le soleil et la mort. Vous pourrez montrer le caractère paradoxal d’une réalité qui ne peut jamais se voir et qui exige une médiation. Cette médiation est un détour, celui de la vie philosophique. Aussi la mort sera peut-être d’autant plus éblouissante que le soleil, qu’elle est le projet même de cette vie philosophique.
Reste que si vous connaissez l’auteur, inutile de vous enraciner dans sa pensée, bien que l’on puisse s’en inspirer. En d’autres termes, il faut éviter de revenir au problème du sujet type notion. Ainsi dans, (15) Le souci, le sujet montre le danger de rester à la conception du souci chez M. Foucault, ou Heidegger, cela pour éviter le geste philosophique. Cependant, il serait tout autant abusif de dire au candidat qui ne sait pas – que (16) Le soleil se lèvera-t-il demain ? est une reprise de Kant, des propos de Hume – qu’il ne pourrait que rater sa dissertation.
Généralement, le manque de connaissance sur l’emprunt de la citation est une condition relativement intéressante, voire minimale et souhaitable pour garantir un geste philosophique. En effet, dégagés de toute pensée préalable, vous ne pouvez faire une pensée « passe- partout » dès lors que l’on ne connaît pas le corpus dont est extraite ladite citation.
Nous plaçons également dans cette catégorie les sujets qui font référence à l’auteur du type : (17) Peut-on dire avec Alain que la passion est toujours malheureuse ? Cette formulation de sujet ne doit pas faire oublier que, si l’auteur est nommé, l’exigence du devoir ne revient pas à une dissertation sur l’auteur, du type question de cours des années antérieures à 1968 : (18) La finalité chez Aristote.
– Le sujet fragment Très rare également, ce sujet de type citation est repris d’un auteur commentateur qui généralement est spécialiste de la question. L’ouvrage dont est extrait le passage a fait autorité. Il s’agit de vérifier soit votre capacité à problématiser la voie dans laquelle le commentateur s’est engagé, soit à montrer que vous avez pensé la question et que son interprétation prête à interrogation. Un des avantages est de marquer très nettement les grandes articulations de votre réflexion. En d’autres termes, il s’agit de produire une dissertation sous la forme implicite d’un commentaire de texte.
Si la forme du sujet ouvre des perspectives, un espace possible pour la problématique, il faut concevoir que les mots qui entrent dans la composition du sujet occupent une place non moins philosophique.
B/ L’indication des mots du sujet
Il faut noter que la forme des sujets est relativement variable, mais la lecture du sujet doit vous permettre – si celui-ci n’est pas immédiatement philosophique – d’en faire un objet philosophique.
Voici deux sujets :
(19) La conscience est-elle source d’illusion ?
(20) Rendre à César ce qui est à César
Le premier sujet est d’emblée philosophique, ce qui n’est pas le cas du second. Le premier sujet est déjà médiatisé, il use déjà de concepts qui sont philosophiques, la conscience et l’illusion. Dans le cas de (20), il faut noter que l’expression, d’autant plus célèbre qu’inscrite dans l’opinion populaire, exige un effort de médiation. Aussi, ce n’est que la lecture active et alertée qui mettra à jour la question philosophique du sujet (20). On comprendra que toute la question revient à penser l’enjeu du problème de la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel.
Beaucoup de sujets donnent des indices, en particulier par la nature des mots qui relient les différentes notions.
Un cas flagrant est : (21) Peut-on fonder le droit sur la nature ?
Ce sujet avant même de prendre en question le rapport des notions, laisse apparaître deux trajectoires. Non seulement peut-on renvoie à la possibilité matérielle, logique, mais aussi et surtout à la faculté morale, juridique. Bien que dans (21), il semble séduisant d’aller vers cette deuxième trajectoire, étant donné qu’il s’agit de faire émerger la piste logique, on comprendra que peut-on fait nettement référence à la possibilité morale, juridique. Moins dans le sens de est-il possible de… que dans le sens de est-il acceptable, c’est à dire faire apparaître la piste morale, juridique du sujet. La légitimité de ce choix est d’autant plus marquée que le sujet convoque la notion de droit
Les sujets qui utilisent pourquoi sont aussi lourds d’enjeux philosophiques : (22) Pourquoi le mal ?
Cet introducteur engage la piste de la finalité. En d’autre termes, quelle est la fin, le en vue de quoi la question est posée ? Mais aussi quels sont les moyens en jeu ? Il s’agit non seulement de ce qu’Aristote appelle la cause efficiente (les moyens) mais également de la cause finale, ce en vue de quoi la chose est faite. Les sujets qui convoquent pourquoi sont relativement bien traitables dès lors que l’on se souvient qu’Aristote pose la question des causes finales et efficientes.
Une autre remarque se rapporte aux questions d’essence. (23) Qu’est-ce que la nature ?
On s’interroge sur l’essence de la nature, ce qu’elle est en tant qu’elle est. En d’autres termes, on comprendra que ce type de sujet demande d’élaborer un concept et certainement pas de donner une réponse. Qu’est-ce que demande une élaboration de définition, une progression conceptuelle.
(24) Faut-il vouloir réaliser tous ses désirs ? C’est l’interrogation même de la nécessité. Faut-il renvoie non seulement à une nécessité matérielle ou à une nécessité de type moral. En ce qui concerne le sujet (24), les deux trajectoires peuvent s’envisager. Ces sujets peuvent dans certains cas, exclure l’une des deux pistes de réflexion.
D’autres sujets peuvent avancer des notions sans la nécessité de la forme interrogative : (25) Vivre et penser (26) Le fini et l’infini
Toute l’activité, l’effort philosophique, lorsque le sujet se présente comme deux notions reliées par une conjonction de coordination, reviendra à penser la nature même de cette relation.
On aura donc bien compris que la lecture du sujet fait droit – dès lors que celle-ci est effectuée intégralement – déjà à une possible élaboration de la problématique. Lire le sujet, c’est déterminer ce qui est ou doit devenir philosophique. Il faudra bien comprendre que des sujets déjà médiatisés, conceptualisés évitent un effort philosophique important.
On évite généralement au candidat au baccalauréat la douloureuse tâche de rattacher une question, une affirmation populaire à un sens philosophique. En d’autres termes, les sujets qui sont qualifiés philosophiquement par les élèves sous des affirmations ; il n’y a que les philosophes qui peuvent se poser ces questions et qui se présentent comme, (27) L’occident est-il un accident ?, sont d’autant plus délicats à traiter, bien qu’ils apparaissent sous une apparente facilité.
L’activité qui consiste à lire n’est pas de l’ordre d’un subir. Bien que le sujet commande, il vous reste la délicate entreprise de restituer, comme l’écoute pour la première fois d’une symphonie. En d’autres termes, beaucoup d’élèves élaborent une réflexion (apparente) à partir d’un mot signal. Aussi, il vous appartient, après ces deux étapes, d’équilibrer votre effort philosophique. Il faut reprendre de la distance pour peser les lectures du sujet. Cette étape de mise à distance vous permettra de déterminer les enjeux du sujet, et d’amorcer une ébauche de problématique.
C/ Les enjeux du sujet
Ce travail de lecture ne doit pas faire oublier l’essentiel. En d’autres termes, ce qui fait l’essence propre du sujet. Si l’on reconnaît volontiers des indices liés aux introducteurs, il ne faut pas perdre de vue que se limiter à cette lecture laisserait de côté la spécificité du dit sujet, (On traiterait aussi bien qu’est-ce que la nature ? que qu’est ce que le travail ?, centrant uniquement sur la question de l’essence, la question du qu’est-ce que).
Et de fait vous passeriez à côté de la question de ce sujet parce que vous auriez déterminé, donné une grille définitive de lecture des sujets philosophiques, au-delà du sujet lui-même. Dans le sujet (19), on voit bien que la question tourne autour d’un thème : la conscience et d’un problème : l’illusion. Dans le sujet (28) Peut-on ne pas savoir ce que l’on dit ? pose plusieurs questions.
Les différentes pistes qui sont dégagées doivent être travaillées. Dans le cas contraire, il faudrait reconnaître que deux sujets commençant par faut-il se traiteraient de la même manière, indépendamment des notions qui sont dans ces deux sujets.
Bien que le geste philosophique implique le dégagement des voies (morale et logique), il serait utopique de ne pas interroger les notions qui composent le sujet. Attention, que le sujet ait un sens philosophique dévoilé ou non, il convient de garder présent à l’esprit que la lecture fait l’unité et l’enjeu de ce dernier. Trop de copies expriment une absence de lecture du sujet qui se traduira comme par un plan type. Dans le sujet (25), les élèves n’hésitent pas à faire un plan du type : première partie Vivre, deuxième partie Penser et pire encore, troisième partie Vivre et Penser.
Ce ratage du plan n’est que le témoignage d’une impossibilité à problématiser, parce qu’en amont le sujet n’a pas été lu.
Cette absence de lecture montre que l’enjeu du sujet n’est pas posé. L’éclatement du sujet laisse apparaître que l’enjeu du sujet – à savoir interroger les notions les unes par rapport aux autres – n’est pas posé, déterminé. Lire, c’est donc comprendre chaque mot, et si possible dans son contexte.
Ainsi loi n’a pas le même sens dans le sujet (29) A quoi servent les lois ? que dans (30) Qu’est-ce qu’une loi scientifique ? De même, vie ne signifie pas la même chose dans (31) La pensée de la mort importe-t-elle à la vie ? que dans (32) Le hasard tient-il une place dans les sciences de la vie ?
Des notions comme la justice peuvent dans certains cas renvoyer à la question du droit, (33) Qu’est ce qui permet d’affirmer qu’une loi est juste ? Dans certains cas elle est centrée exclusivement sur le sens moral, (34) Peut-il être juste de désobéir ? Ou alors les deux ensemble, (35) Juger est-ce nécessairement être juste ?
Lire un sujet c’est au travers de son unité, restituer, ou instituer son enjeu philosophique.
Lire un sujet, c’est le reconnaître dans son unité. On comprend d’autant mieux qu’au delà de la conjonction de coordination « et », dans les sujet (25) et (26), se pose le problème des rapports qui peuvent se nouer, s’inscrire dans différents champs de la connaissance. On peut s’interroger dans différents plans : Ethique, Théologique, Métaphysique, Biologique, Sociologique, Logique, Egologique, Téléologique, Psychanalytique etc…
Ce qui fait un sujet comme sujet philosophique, c’est son sens. Celui-ci n’existe et ne s’appréhende que dans son unité, celle de la cohérence de la problématique.
Règles de la lecture du sujet
R1 Avez vous identifié le sujet, son type ?
R2 Avez vous lu le sujet aussi bien dans son fond que dans sa forme ?
R3 Avez-vous dégagé le problème philosophique et les thèmes (les notions) qu’il présente ?
Les trois étapes de la lecture du sujet, vous paraissent certainement longues, et peut-être même pour un pas grand chose. Mais c’est, à ne pas s’y tromper, votre aptitude à saisir ce presque rien qui détermine un acte philosophique. Il y a de la nécessité à être dans l’attention, c’est à dire être réceptif et vigilant. Or cette condition de l’attention, c’est aussi celle qui garantit la question de la tension . La problématique n’est-elle pas une mise sous tension, tendre, dénouer les fils conceptuels et cela dans le seul but d’éclairer, de clarifier ?
2/ Combien-y-a-t-il d’accordeurs de pianos à New-York ?
Lorsque l’on y pense, la problématique ce n’est pas autre chose que l’inventaire des questions, des critères, des objets des présupposés, etc.. qui entrent dans la subtile alchimie du sujet. A partir de cet instant, la forme de votre problématique revient à penser les rapports qui peuvent exister entre ces différents éléments :
On donnera quelques questions, à titres d’exemples, qu’il convient de se poser :
Quels sont les liens qui existent entre les différents éléments du sujet ?
N’y-a-t-il pas de paradoxe, d’ambiguïté dans la manière de comprendre le sujet ?
Celui-ci est-il polysémique ? etc.…
Opter pour un axe de compréhension du sujet, n’est-ce pas postuler pour définir cette notion dans ce sens ?
Si tel est le cas qu’est-ce que cela me fait gagner dans ma réflexion ?
Comment le sujet est-il déterminé à présent ? et ainsi de suite…
Quelles sont les implications ?
Quelle est la nature des relations entre les concepts ? Sont-elles de type disjonctif, inclusif, contradictoire ou semblable ?
Devant ce sujet qui oriente une définition de la notion convoquée, qu’est-ce que cette définition engage comme, enjeux, limites, précisions, etc.…
La problématique si nécessaire en philosophie est avant tout un acte fondateur, celui de votre propre pensée (penser du sujet). Son aspect académique n’est que pure convention, étant donné qu’il est d’autant plus nécessaire, comme élément, qu’il souligne votre créativité.
Ainsi, tout peut être problématisé. C’est cet exemple qu’un célèbre mathématicien du XIXème siècle utilisait pour sélectionner ses élèves. Aussi pour ce faire, il leur posait comme question : (36) Combien-y-a-t-il d’accordeurs de pianos à New-York ?
Que faut-il retenir de cet exemple ? Loin d’attendre pour ce mathématicien une réponse de la part de ses élèves, l’intérêt de la question revenait d’avantage à formuler tous les éléments qui peuvent intervenir dans l’élaboration d’une réponse. Ainsi, le nombre d’accordeurs de pianos à New-York revient probablement aux quelques éléments suivants : nombre d’habitants (détermination démographique), mais aussi au nombre de musiciens, de musiciens pianistes (déterminations sociologiques), au facteur d’humidité (détermination météorologique) etc…
Etablir une problématique revient à établir l’inventaire raisonné des critères, des éléments, des liens etc… qui président à la formulation du sujet.
Ainsi l’enjeu, l’en-jeu, ce qui est dans le jeu, dans le mouvement, c’est la problématique et non la réponse.
Problématiser la question, c’est témoigner, de la réalité philosophique. C’est ce qui assure la qualité d’un travail, l’exercice philosophique. Il ne s’agit donc nullement de transformer l’énoncé, voire pire d’y répondre. Dans un cas comme dans l’autre, soit l’en-jeu, le fait d’être dans la problématique, soit l’enjeu le sens philosophique, ne seront nullement pris en compte.
Procéder ainsi, c’est être certain que la question n’est pas dépassée, et au pire la dissertation risque simplement d’être la reprise des contenus du cours. Lorsque l’on prend le sujet (37) L’infinité de l’univers a-t-elle de quoi nous effrayer ?, la problématique consiste à préciser, interroger, la question de l’effroi. On pourra proposer la problématique suivante :
Si l’on admet que l’infini est une production conceptuelle comment pourrions-nous être effrayés devant ce que nous créons ?
Ainsi ne sommes-nous pas renvoyés à la question non pas de l’effroi de l’infini, mais à nous- mêmes (via cette conceptualité de l’infini) ?
Dès lors, comment avoir peur de ce qui reflète notre propre maîtrise théorique ?
Cette problématique déploie le sujet, le traverse tout en respectant son unité, sa portée philosophique.
La problématique n’est une réalité que dès lors qu’elle aggrave les questions qui sont contenues dans le sujet. Seule une interrogation des rapports qui sont entretenus entre les éléments, les liens, garantit une possibilité de penser l’universel. Ainsi, il s’agit moins de répondre 2018 à la question (36) Combien y-a-t-il d’accordeurs de pianos à New-York ?, que de fonder ce qui fait cette question, par la médiation conceptuelle, et l’on pourra poser tout aussi bien, Combien y a t il d’accordeurs de pianos, à Paris ?, à Sidney ? que Combien-y-a-t-il de libraires à Londres ? La problématique est une matrice, qui paradoxalement ne se décline pas dans une grille de lecture préétablie. Il convient de penser que l’universel peut se donner non seulement sur le mode du particulier, mais surtout dans une praxis. La problématique, c’est rendre opérant le concept cartésien de mathésis universalis, dans chacune de vos productions. Et cela non sur le fondement établi de cette mathésis universalis, mais sur le mode de la tentative, d’une volonté à la fonder.
On peut dire que la problématique est déjà dans la lecture du sujet, il suffit de la formaliser. Travailler votre questionnement, c’est faire une problématique équilibrée, qui rendra compte de deux, trois, ou quatre questions, peut-être un plan, une organisation, celle de votre pensée ?
Règles en vue de la problématique
R1 Avez-vous dressé la liste des questions que le sujet suppose ?
R2 Avez vous fait l’inventaire des différentes pistes de réflexion possibles ?
R3 Avez vous trouvé l’enjeu, la formulation du problème posé par le sujet ?
R4 Avez vous plusieurs directions, c’est à dire deux ou trois grandes questions qui posent le problème, conformément à sa contradiction ?
3/ Bâtir dans un fond tout à moi
L’étape qui reste importante n’est autre que la mise en ordre. Il s’agit non seulement d’une décision d’ordre dans vos choix d’exemples, d’auteurs, d’arguments, de références, mais aussi d’ordre au sens d’organisation du devoir. En d’autres termes, savoir ce qui premièrement va constituer la structure de votre devoir, le fil directeur de votre pensée. Mais aussi ce qui va constituer le matériau, le contenu de vos paragraphes à partir du questionnement élaboré. Aussi si l’on ne peut parler d’une méthodologie, c’est moins pour une recette toute faite que pour montrer, au dehors, une certaine description d’un mécanisme qui peut fonctionner.
A/ Le bon sens est la chose la mieux partagée par tous : le plan
La question de l’organisation générale pose la question du plan. Voici quelques modèles de plans. Cependant la force de ces plans ne réside pas dans leurs application au sens strict. Il s’agit plutôt de considérer leur force logique ainsi que leur emploi souple, plutôt que de les appliquer, les parachuter dans une copie. Le modèle, bien qu’il soit logique, est à manier le plus souplement possible.
– Le plan dialectique Ce plan généralement en trois parties, bien qu’il soit souvent critiqué ou caricaturé dans son emploi, demeure une bonne restitution de la démarche philosophique. Mais pour se faire, il faudra éviter de le caricaturer. Thèse, Antithèse, Synthèse, sont ses constituants principaux. On ne saurait trop éviter de plaquer ce plan pour voiler l’absence de problématique. De fait sa composition est : 1) Thèse défendue (Vérité de la Thèse) 2) Réfutation de la thèse et antithèse 3) Synthèse, où l’on rapproche les deux points de vue opposés, au sein d’une unité ou d’une catégorie supérieure. Il s’agit d’un moment délicat car il faut réunir sans concilier, ni opérer de compromis de manière verbale.
(38) N’y-a-t-il que ce qui dure qui ait une valeur ? peut s’articuler, comme 1) Thèse : Il n’y a de valeur qu’au sein de ce qui se prolonge dans le temps (ex : la réalisation morale, prise comme une durée stable). 2) Antithèse : Seul l’instant, ce qui n’a pas d’épaisseur temporelle, a de la valeur. 3) Synthèse : L’éternité donne sens à la durée et à l’instant, elle seule est capable d’opérer une unification.
L’avantage de ce plan réside dans la place faite à la rhétorique, et donc la possibilité qu’a le geste philosophique d’user des moyens qui donnent lieu à la démonstration.
Découle ainsi la force d’une logique implacable, comme une fonction de cohérence, en particulier liée à la troisième partie. Enfin, il est un lieu possible de l’invention est permet de confronter, de donner de la stratégie à votre problématique. Le plan dialectique bien employé permet le surgissement ; il est dans ce cas une matrice à idées.
Ses inconvénients résident dans la possibilité d’y mettre une réponse de Normand, de poser un positif ou un négatif et d’en faire un exercice purement artificiel. Dans les deux cas, il s’agit d’éviter une grille préétablie pour la pensée, d’autant plus proche d’une prison qu’éloignée du geste philosophique.
– Le plan progressif. Il consiste à considérer par points de vue successifs, une même notion ou des notions, que l’on étudie en les approfondissant. La dynamique du devoir ne présente alors un intérêt que dans la mesure où elle échappe à l’artifice et épouse la marche naturelle de la pensée capable de progresser et de s’enrichir.
Il s’agit de partir d’un point de vue relativement superficiel, de manière à atteindre des plans d’analyses de plus en plus profonds. Dans cette perspective, le plan progressif constitue un instrument opératoire fécond quand il s’agit d’analyser une notion. Certains énoncés appellent une structure de plan progressif, comme les sujets du type (39) Qu’est-ce qu’une personne ? ou (40) Qu’est-ce que le progrès ? qui portent généralement sur l’essence de la notion, ses concepts. Il s’agit d’étape en étape, d’enrichir le concept de le penser dans sa complexité. Codifier ce plan reste délicat, parce qu’il y a, comme le souligne Leibniz, une infinité de points de vue. Cependant, nous nous risquons à poser trois catégories qui réunissent au mieux les possibles points de vue 1) Le sens commun 2) le rationnel 3) Le supra rationnel, le transcendant.
Il ne s’agit que d’une grille possible, applicable dans cette disposition, uniquement dans certains cas. L’inconvénient de ce plan réside dans un usage à prétention universelle. Il faut conserver sa structure à l’esprit et l’adapter, en particulier par rapport aux points de vue que vous pouvez définir. L’avantage de ce plan est la clarification du concept qui ne pourra émerger que lorsque la pratique et l’élaboration des définitions de la plus simple à la plus complexe seront mises à jour.
(41) Qu’est-ce qu’une éducation réussie ? peut s’élaborer dans un plan de type progressif : I) Une mise en œuvre des moyens propres à assurer le développement de l’être humain et sa pleine adaptation sociale (Niveau du sens quotidien, déjà compris dans la quotidienneté) II) Une forme de discipline susceptible de conduire à la formation de la personne (Niveau éthique) III) Un processus concernant le passage de la nature à la culture et à la liberté (Niveau métaphysique).
– Le plan notionnel Ce plan est adapté – quoiqu’il faille le justifier dans votre problématique – en ce qui concerne les sujets type notion. Il se déploie généralement selon le triptyque très classique : I) Nature II) Existence III) Valeur. Le plan notionnel consiste à s’interroger d’abord sur l’essence ou le contenu d’une notion, à faire ainsi porter, en un premier mouvement, l’analyse sur le point de vue de la nature, puis sur la question de l’existence liée à la notion envisagée et enfin à la question de la valeur, du droit. Attention, il serait abusif de faire toute analyse de notion sur ce modèle. Toutes les notions ne relèvent pas de Nature, Existence, Valeur.
En effet, bien que cette structure convienne à (42) La contingence,(43) L’idée de beauté etc.., elle ne saurait convenir à des sujets du type, (44) Le repas, ou (45) Le musée. Ainsi le sujet (46) La contingence, peut s’organiser en : I) Nature – La contingence est ce qui n’a pas son principe d’être en soi-même. II) Exister – La contingence, c’est être là, la contingence existe. C’est même une donnée fondamentale de l’existence, (selon Sartre l’essentiel, c’est la contingence) III) Valeur – Souligner la contingence, n’est-ce pas montrer que l’existant est libre, que sur fond de contingence, il est appelé à la création des valeurs ? Donc l’idée de contingence est digne de jouer dans la pensée et l’analyse philosophique.
– Le plan thématique Il s’agit de s’interroger sur la question, son enracinement dans différents registres. Déployer la réflexion, visiter les différents registres dans lesquels le sujets s’élbore.
Ce plan reste dangereux parcequ’il propose une vue très partielle, dont l’inconvénient est de faire rater le projet philosophique. Cependant bien utilisé, il peut témoigner de la circulation du sujet dans différents registres de la pensée. Aussi, il sera efficace devant des sujets du type (47) Quelles déterminations engagent la définition de l’homme comme animal de raison ? I) Une détermination biologique – L’homme est capable de rationaliser son action et les choix qui la président, II) sociologique – Aussi, certains actes témoignent pour son inscription sociale III) Métaphysique – Dès lors il est capable de s’interroger au-delà d’une réalité.
(Nous ne dirons pas grand-chose du plan confrontation entre deux notions (Cf. le sujet (25) et son traitement en II, 1, C.).
Cependant, bien que le plan se doit de montrer l’effort d’une pensée des rapports entre les deux notions, reste qu’il va de soi que l’on peut soit bâtir ce plan sur des critères légitimes à une étude comparative soit sur une étude de type relationnel.
B/ Développer et déployer : Les connaissances
La philosophie est essentiellement travail. Il s’agit donc d’enrichir votre problématique. Bien que cette dernière soit votre production, il s’agit de la développer, de la déployer. On peut pour ce faire établir plusieurs colonnes, auteurs, arguments, exemples, pour étayer une idée. Un sujet sur l’union de l ‘âme et du le corps, mérite la convocation de Descartes, des Méditations métaphysiques, et de l’exemple du morceau de cire.
Un sujet qui revient à la question du désir peut appeler Spinoza, l’Ethique, et la question du traitement des affects. Cependant, il serait abusif de faire une liste préalable des références que le correcteur est en droit d’attendre d’après le sujet.
Cette erreur est d’autant plus nette qu’elle existe à tous les niveaux de réalité philosophique. Ainsi ce candidat aux oraux qui, ayant comme sujet (15) le Souci, n’a fait que traiter la question suivant sa connaissance de M. Foucault.
Bien que Foucault soit une référence nécessaire, elle ne l’est qu’hypothétiquement. Elle n’était pas nécessaire de manière absolue.
Généralement, soit parce que c’est la seule référence à votre disposition, soit et pire encore parce que vous appréciez l’auteur, votre tendance est de se laisser aveugler par le sujet, dans la mesure ou vous croyez que c’est la seule possibilité de problématiser. Il faut cependant nuancer :
Les sujets classiques ne peuvent faire l’économie de références classiques. Un sujet qui convoque la conscience ne peut manquer, en classe de terminale, d’appeler Descartes. Remarquons tout de même que c’est le sujet qui a commandé une possible présence de Descartes et non l’inverse : Je connais Descartes, donc j’utilise Descartes. Aussi, vous l’aurez compris, il s’agit moins de montrer ce que vous savez que d’utiliser une connaissance de l’ignorance, comme source même d’un véritable acte philosophique.
Le travail philosophique doit trouver une marque, l’expression de l’acte. Vous avez compris, plus exactement entendu, qu’il n’y a de philosophie que de philosopher, c’est à dire un dynamisme de la pensée ; on pourrait en rester là.
Cependant la question de la trace, du geste, demande aussi des qualités philosophiques. N’est-il pas légitime d’user de la rédaction pour enraciner ce geste. On pourrait penser que le philosopher, resterait une vaine démarche si la pensée perdait l’écriture. Reste que si l’écriture ne se donne que comme forme, au sens de code, n’est-elle pas coercitive ? Au-delà de la tradition orale de Platon, il nous faut penser que le philosopher n’a de réalité que dans le temps et l’espace, même s’il en est affranchi dans les contraintes. Alors faites en sorte que l’écriture soit du philosopher, et non la prison qui ne saurait être à même de conserver ce geste.
B/ Le travail rédactionnel
Rédiger ce n’est pas re-copier. Le travail préparatoire, celui de l’ébauche de votre pensée, est un travail d’esquisse. L’ébauche n’est pas déconsidérée. Comme on peut le constater, c’est l’essence même de votre travail. Il témoigne d’une pensée en acte, qui cherche, qui s’élabore. Le brouillon en philosophie n’est pas le déchet, l’essai dont on ne laissera pas de trace. Au contraire, c’est dans cet avant texte que le geste philosophique se détermine. La question du brouillon, c’est la question de la philosophie même, celle de produire, d’organiser de déployer la réflexion dans toutes ses dimensions.
Incohérences, flous, intuitions, doctrines, auteurs, citations, et surtout questions doivent se poser, se fréquenter, se déterminer, s’articuler.
Le reste, le déchet peut-être sera la production finie, le texte dans lequel votre pensée se formalisera. Prix à payer, celui du renoncement à tout dire, du choix, le texte que vous allez produire exigera d’être communicable, intelligible.
D’ailleurs y a t il une pensée sans intelligibilité ? L’épreuve de la pensée ne demande t-elle pas pour attester son statut une possible communication ? C’est au cœur de la forme, celle de la dissertation que l’on témoigne de l’élaboration des concepts, comme le souligne J. Derrida « Dès que le concept est saisi, il est cuit »
1/ Moment initial et originel : L’introduction
L’art de l’introduction est le moment le plus délicat de la dissertation. On peut comparer l’introduction à un contrat. Il faut préciser de quoi vous allez parler sans nécessairement parler de l’objet que vous allez développer. Vous devez poser le sujet en prenant garde de ne pas en dire trop, c’est à dire de formuler dans ce lieu de l’introduction quelque chose du développement, sans répondre. Vous allez annoncer votre trajet, donner ses grandes lignes, sans en dire trop.
Bref, (c’est le cas de le dire) l’introduction est ce moment délicat qui se situe dans l’équilibre. Elle doit témoigner de votre projet philosophique sans le dévoiler.
Sa rapidité (environ 10 à 15 lignes) doit faire appel à votre créativité littéraire. On peut reprocher à l’introduction d’être rhétorique, de rater dans sa formulation la substance de votre geste philosophique. Mais si tel est le cas, c’est bien le signe que votre introduction ne remplit pas sa fonction. Le lecteur lira l’introduction, c’est à dire vos premières traces sur le papier, ce qui nous l’espérons, vous fera prendre conscience qu’introduire est un des moments les plus délicats de la dissertation.
Aussi méthodologiquement, il est intéressant de produire votre introduction à la fin de votre parcours. N’est-il pas plus aisé de développer votre projet de parcours, une fois réalisé le dit parcours ? On sent nettement la question de la tromperie, celle d’une pensée qui n’est pas en acte puisqu’elle se formalise dans l’après-coup. Mais la pensée est-elle nécessairement dans la forme de la dissertation ? Au-delà de ces considérations, il est fort judicieux de faire de cette question le leitmotiv de votre introduction.
A/ L’accroche : La question d’un cadre
Il est inutile de commencer par des expressions du type : Depuis tout temps, Jadis ou encore une grande considération générale du type l’homme a toujours… etc… qui ne fait que retarder – et rendre d’autant plus difficile – l’objet même de l’introduction. L’exemple le plus intéressant reste une accroche, à partir de votre propre culture. Ainsi, commencer par une citation, un exemple (bien choisi), une référence artistique ou encore cinématographique, ne fait que susciter la curiosité, et témoigne en faveur de la distance – nécessaire – que vous avez pour déployer le sujet.
L’introduction, pour faire le plus simple, conjugue ce que nous nommons le cadre général, et votre point de départ. Ce dernier est totalement arbitraire, mais il engage la distance à laquelle vous vous placez pour traiter le sujet, et cela pour mieux mettre en relief le problème que pose le sujet.
B/ Délimiter le sujet : Comment poser le sujet ?
Il n’y a pas de miracle, ni de recette. La question qui reste est celle que vous avez déterminée dans la problématique. Aussi la question du sujet (48) La conscience de soi suppose-t-elle autrui ? bien qu’il convoque les notions d’autrui et celle de conscience, exige de poser la question non seulement de leur rapport, mais surtout de leur nature. Sans déplacer le sujet, il faut trouver la nature de la question, l’enjeu du sujet. Bien qu’Autrui soit extérieur (acception courante) quel rôle (réel, virtuel) peut-il avoir dans le processus de la formation de ma conscience ? (Supposer n’est pas affirmer). Aussi la nature du rapport entre autrui et la conscience n’est-il pas à interroger dans le cas d’une hypothèse ?
Dans le cas de (20), il s’agit de dire que la citation renvoie à la question des rapports entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel.
Le sujet citation (49) Suis je dans mon corps comme un pilote dans un navire ?, permet de formuler la question des rapports de l’âme au corps. Comment penser l’union ou la séparation de l’âme avec le corps ? De là on peut poser le sujet sans l’atrophier, mais surtout vous montrez que vous tentez de prendre la mesure philosophique du sujet qui vous est proposé.
A l’inverse de la vie courante, qui témoigne que les problèmes se posent tout seuls, il n’en va pas de même en philosophie. En effet nous avons tous tendance à préférer les réponses aux questions. Autrement dit, quoi de plus insupportable que la faille et le non savoir. Préférer, éviter cette dimension c’est bien reconnaître la place importante du sophiste. Non seulement comme figure du savoir et comme antithèse du philosopher.
L’opinion, le préjugé ne posent jamais de questions, trop pressés qu’ils sont d’apporter les réponses, puisqu’ils ne sont que réponses. C’est à la philosophie de poser les questions, ses questions, les questions philosophiques, en établissant des médiations conceptuelles.
De là, il n’y a qu’un pas. Présentez votre projet, votre parcours philosophique.
C/ Les orientations, le plan du projet philosophique
On aura compris que la philosophie pose des problèmes. Ainsi on peut distinguer une question et un problème (au sens philosophique) de la manière suivante. A quelle heure mange-t-on ? est une question qui appelle une réponse : 13 heures. Nous avons posé une question et non un problème.
Le problème n’appelle pas nécessairement une réponse. A la question (50) Qu’est-ce que l’euthanasie ? Vous ne répondrez certainement pas13 heures, reste que c’est la seule et unique certitude que vous puissiez avoir. En d’autres termes, on exprime ce que l’on ne sait pas. Pour ce faire, poser une problématique, dès lors que l’on comprend ce que c’est intuitivement, revient à tenter de poser des questions à un niveau plus profond qui tente de poser l’ensemble des champs, des registres que couvre le problème.
Aussi, après avoir posé le sujet, sa dimension problématique, on aura compris que le plan est au service de la problématique. Le plan n’est que le déploiement de la problématique, il ne fait que la formaliser, l’inscrire. C’est pourquoi le plan est au service de votre pensée et non l’inverse. Dès lors, il serait illusoire de croire au plan tout fait type passe-partout.
Cependant, certaines méthodes, en particulier le plan dit dialectique, oui-non-si, peuvent être utilisées, parce qu’elles correspondent à votre décision, votre degré de problématique, mais surtout parce que le sujet peut se penser sous cette modalité.
De fait, s’interroger sur la question, faut-il annoncer le plan ou non dans l’introduction, est un faux problème. Soit la problématique est nette, et s’impose comme démarche, soit la problématique demande dans ses grandes lignes d’être affinée, et en ce sens le plan vient en préciser les contours. En tout état de cause, un plan ne doit pas se substituer à la réflexion et ne doit pas dans sa formulation (généralement rigide) anticiper, voire régler son compte au problème philosophique.
Dans les sujets du type notion, on pourra, puisqu’il s’agit d’un effort de clarification, poser un plan de confrontation. (51) La nature : I) la nature comme cadre de vie, comme existence, physique, II) la nature comme essence III) La nature concept, qui opère le lien entre essence et existence
Dans (26) On pourra déployer la question comme I) Vivre : comme un survivre / Penser : comme avoir des représentations II) Vivre : comme bien vivre / Penser avoir des représentations ensemble et III) Vivre comme vivre ensemble / Penser ensemble.
On comprendra que I) est le registre du biologique, que II) est un registre éthique et III) un registre politique. Les trois axes ainsi définis vous permettent de penser les rapports entre les deux notions sur des étages différents. Pour une question du type la philosophie est-elle inquiétude ?, on pourra s’interroger sur I) la légitimité de la formule, puisque la philosophie est sagesse, comme absence d’affect, II) Que cette absence d’affect n’est pas donnée, qu’elle est à l’élaborée, comme une quête, que III) que c’est la quête, le philosopher qui est inquiétude et non la philosophie.
Dès lors nous avons I) Statique II) dynamique III) Statique et Dynamique détermine une démarche d’ensemble type thèse, antithèse et synthèse.
Aussi toute la question revient à se demander si le plan est pertinent, si ce dernier témoigne, met en relief ma pensée, affûte celle-ci. Reste que si la problématique est bien posée le plan, est déjà en puissance, et cela au sens aristotélicien. Aussi il ne sera pas inutile de préciser que le plan déséquilibré, maladroit, n’est peut-être qu’à reprendre dans le cadre d’une problématique qui demande à être retravaillée selon l’ordre que vous avez choisi. Décider, légitimer, c’est proposer non pas de répondre au problème, mais de le faire suffisamment avancer pour peut-être le poser autrement.
2/ Développer : Construire et non remplir
Nous nous proposons dans cette partie de donner quelques indications quant au développement. Bon nombre de copies perdent de la valeur, parce que la cohérence du développement est en décalage avec l’enjeu philosophique. Autrement dit, la question du développement ne répond pas aux attentes et aux critères qui lui incombent. Nous verrons que certaines règles sont donc nécessaires dans la structuration du développement, mais aussi que la nature du lien qui fait droit au développement – à savoir les transitions – doit donner au lecteur la possibilité d’apprécier les virages, les infléchissements de votre pensée. Reste que ces deux exigences sont relativement peu réunies pour des questions liées au style, l’expression même du geste philosophique.
A/ Parties, Paragraphes, Transitions
Les transitions sont nécessaires. Elles témoignent de la validité de la cohérence, de la structure de votre devoir. Si vous ne pouvez établir de transitions, de formes interrogatives entre vos parties, c’est que le plan est maladroit, et si vous ne pouvez corriger le plan, c’est le signe que votre problématique est insuffisante.
On conseille dans votre travail de brouillon de rédiger en 3 à 4 lignes les transitions. Non seulement cela laisse apparaître la cohérence de votre projet, mais permet aussi d’éviter une précipitation lors de la mise en forme définitive. Ainsi la solidité de vos transitions marque les grands virages de votre problématique, les rebondissements consécutifs à votre pensée.
Règles concernant les paragraphes et les transitions
R1 Avez-vous par paragraphe, un argument, une thèse, un auteur, une citation ?
R2 Vos paragraphes sont-ils équilibrés, et découlent-ils les uns des autres ?
R3 Vos transitions expriment-elles la nécessité de la partie suivante ?
B/ Questions de style
Il est relativement délicat de synthétiser les questions afférentes au style. En effet, il y a autant de styles que de pensées philosophiques. Témoignage qu’il n’y a de philosophie que d’une pensée en acte, celle du sujet. On peut tout de même se risquer à classer les grandes erreurs relatives au style, non pas que cette grille de lecture détermine ce qui est philosophique de ce qui ne l’est pas, mais bien parce qu’elles ne se rapportent pas à l’exercice de la dissertation philosophique.
– L’écriture philosophique Il faut par conséquent éviter d’écrire à la première personne. Le geste philosophique est universel, et il ne saurait être enfermé dans une conduite d’autant plus personnelle que privée de conceptualité. Ainsi, les formulations du type je pense que, je suis d’accord, mais… n’ont aucun intérêt pour la dissertation. De même l’effet de personnalisation est à éviter pour le choix des exemples. L’exemple est pertinent en philosophie dès lors qu’il est une marque de l’induction.
– Du mauvais usage des exemples On notera, par exemple, l’exemple que Hume donne, à savoir qu’une oie nourrie à heure fixe pendant x jours par sa gardienne ne saura établir une distinction le jour où cette même gardienne viendra non plus pour la nourrir mais pour se nourrir. Cet exemple témoigne, dans le cadre de l’empirisme, qu’une loi déduite empiriquement n’a de validité que dans un contexte bien défini. L’exemple étaye votre démonstration, mais ne doit pas s’y substituer. Sans faire de commentaires, votre usage de l ‘exemple est mauvais. L’exemple doit permettre dans sa particularité de dire quelque chose d’universel.
De même on évitera de penser que la philosophie consiste en une provocation. Aujourd’hui un candidat répondant au sujet : (52) Le risque, c’est çà, aura de fortes chances d’avoir une note comprise entre 1 et 2. Ceci pour la simple raison que l’exercice philosophique ne se résume pas à la collection d’exemples, tel qu’en témoigne, au sujet du Beau, Hippias dans l’Hippias Majeur de Platon. L’exemple n’a de valeur que lorsqu’il est judicieux, et il ne l’est que dès lors qu’il pourra dire quelque chose de l’universel dans sa particularité. Reste également que pour certaines raisons d’ordre affectif et non logique cette fois, on évitera (philosophiquement, on en comprend la raison) les exemples politiques et religieux. Travailler philosophiquement sur (53) Le mal ou (54) l’extrême témoigne certainement, déjà, de l’urgence du geste philosophique. Mais ce n’est pas une raison pour agiter les étiquettes du Front National ou de la Ligue Communiste Révolutionnaire. Ainsi l’exemple n’est pas un discours de, ou contre mais un discours sur. Cette condition de neutralité est peut-être le geste éthique, celui d’une sagesse comme pratique de la pensée.
Ainsi, il vaut mieux prendre ses exemples dans les grands monuments de la philosophie que vous visitez au cours de l’année, au lieu d’en rester à une carte postale, partielle et généralement tronquée.
– Du style La philosophie, au moins en France, exige un minimum de maîtrise de la langue. Bien que le néologisme soit la moins mauvaise solution, (donc la meilleure), pour clarifier dans certains cas des concepts, on peut accepter l’apparition dans votre copie de Le philosopher (substantivation de l’acte pour attester ce qu’est la substance pensante) mais certainement pas d’expression comme “superficialité”, de “constituelle” ou autres expressions (trouvées récemment dans des copies). Il faut donc impérativement se demander si ce que vous dites est l’expression même de ce que vous pensez. Revenir à la règle : Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement. Il n’y a pas de jargon (au sens péjoratif du terme) en philosophie, c’est bien là, la difficulté de l’exercice !
– Tonalité Une écoute particulière est à mettre en œuvre. On évite le ton grand seigneur, du type « heureusement que Kant était là », ou encore le ton sentimental, « Autrui est important dans ma vie, même si je ne peux pas tout lui dire… » Pire encore, le pédantisme. « Nous nous défions du jargon non pour la peine qu’il nous donne, lorsque cette peine est payée ; mais que de fois, converti en idée claires et distinctes, c’est à dire traduit en langage commun, le texte d’apparence savante se ramène à un bavardage ! Si la philosophie est un effort pour savoir de quoi on parle, l’honnêteté de cet effort s’accorde le mieux semble-t-il, avec la langue la plus simple » . La question du style est de fait une question centrale
Règles de style
R1 Avez-vous effectué une construction ou un remplissage ?
R2 Est-ce que ce que vous écrivez étaye votre démonstration ?
R3 Votre démonstration est-elle claire, intelligible, ainsi que votre expression ?
3/ Le moment de conclure
A/ élaborer une synthèse sur la réflexion menée
La conclusion a pour fonction de faire le bilan du trajet parcouru et de donner une réponse nuancée et circonstanciée à la question posée au départ, et éventuellement d’ouvrir des perspectives de développement. Ce geste est délicat, parce qu’il ne consiste pas à poser un problème qui appartient au sujet et qui n’aurait pas été abordé dans votre copie.
On constate souvent que la conclusion est bâclée. Généralement cette constatation provient du fait que la conclusion ne fait pas ressortir la structure qu’exige sa fonction. Il faut procéder en faisant un bilan qui rappelle la trajectoire de votre développement dans ses grandes lignes. Généralement, on utilise les titres donnés aux parties, comme moment de la problématique, pour témoigner des virages, des fléchissements de la pensée.
Cette première étape conduit naturellement à porter une réponse, non préétablie, mais découlant logiquement de l’intérêt de votre développement. Ainsi un devoir sur la question de la liberté, qui s’est engagée du côté de la liberté métaphysique dans ses grandes lignes, ne pourra pas prétendre fonder une réponse bâtie, préalablement sur une réponse morale. Cependant si tel était le cas, c’est parce que le devoir aurait montré suffisamment quel était l’enjeu de la liberté métaphysique comme projet morale.
Remarquons que c’est le sens possible d’un projet de trajet philosophique. Enfin, la réponse qui se formule, souplement dans la conclusion, convoque une dernière étape, garante d’une réponse flexible, comme une nécessité de montrer que la réponse n’est que relative.
Elle est d’autant plus provisoire, qu’elle n’est qu’une étape qui relance le dialogue de l’âme avec elle même, une étape provisoire qui répond au sujet. Mais ce dernier qui aurait pu être posé autrement, pourrait susciter une autre interrogation, et porter sur un nouvel un enjeu.
Règles de conclusion
R1 Témoigner des grandes orientations, et leurs apports, de votre trajet
R2 Apporter une solution nuancée et circonstanciée
R3 Montrer que la question est une étape provisoire, qui engage.
Ainsi, voici une conclusion d’un devoir :
Au terme de notre étude, il résulte que suivant l’acception ou non de la thèse de l’inconscient et son abord de la question sous l’angle permissif celui du « peut-on », il est impossible ou possible de ne pas savoir ce que l’on dit. Toutefois, l’impact de la psychanalyse sur notre vision du comportement humain, fait qu’à la fin du XXème siècle, nous pousserait à poser une question qui serait plus : Peut-on savoir tout ce que l’on dit ?
Cette conclusion, extraite d’une copie, témoigne non seulement du trajet, mais des modalités de la démarche mises en œuvre. En d’autres termes, on comprend que les critères du questionnement passent par la reconnaissance ou non de l’existence de l’inconscient, mais également par le pouvoir que celui-ci, dans sa connaissance nous assure ou non.
Dès lors, la justification d’une perspective d’ouverture se trouve comprise comme la possibilité de fonder une stricte adéquation entre ce que nous disons et ce que nous savons de ce dire. La perspective relance le débat. Bien que nous ayons accès à l’inconscient pour rendre intelligible notre discours, n’est-il pas contradictoire de penser que l’inconscient ne se maîtrise pas et en ce sens ne peut nous assurer une connaissance rationnelle de notre discours ? Mais faire l’économie de l’inconscient, n’est-ce pas faire un projet voué d’emblée à l’échec ?
La conclusion de cette copie est une vraie conclusion. Elle témoigne d’une synthèse dans le cheminement de la pensée et montre dans la nécessité qu’il ne s’agit que d’une étape. Les étapes ne sont pas formellement présentes dans cette conclusion. Cependant, « toutefois », exprime les deux faces d’une réponse dite nuancée et circonstanciée.
B/ Ouvrir le sujet ?
L’ouverture est également justifiée, donc pertinente, parce qu’elle se pose nécessairement comme un troisième terme qui articule les deux étapes préalables. Il y a donc un espace pour la formuler, mais également une nécessité de la formuler pour rendre compte des deux moments précédents.
Il existe cependant d’autres types d’ouvertures. Revenir au sujet de départ et montrer, après le développement que son intitulé, fait de lui-même retour.
C/ et pour finir…
Irréductible à une démonstration mathématique, la dissertation philosophique est proche, par certains aspects, d’un exercice spirituel : Elle désigne une activité de la pensée et un itinéraire réflexif. Dans la dissertation réussie, le candidat aura procédé à un dialogue avec lui- même, de l’âme avec elle-même.
En effet, au terme de sa démarche, il s’avérera capable de changer de point de vue et de conviction. Il aura effectivement réalisé un exercice spirituel. Le fait même que l’on parle d’exercice, pour la dissertation, ou d’autres travaux, n’est pas un accident (au sens d’Aristote). Réaliser un travail philosophique – dissertation ou commentaire – c’est exercer sa pensée, la confronter, et peut-être la changer. Ce qui est en jeu (en mouvement), c’est la réalité même de cet exercice, la capacité de celui qui réfléchit à s’installer au cœur des problèmes et à vivre avec eux. Il en est ainsi à propos de la dissertation philosophique, comme il en est au sein de la dialectique platonicienne : le chemin parcouru – et non la solution apportée – caractérise dans les deux cas, la démarche.
Il s’agit de former sa pensée, bien d’avantage que d’informer, de s’exercer réellement et non d’accéder à une solution particulière. Dans la dissertation philosophique, comme dans les dialogues de Platon, c’est l’itinéraire global qui compte et représente la vraie norme.
La dissertation philosophique serait donc du côté d’un itinéraire mobile et dynamique, aboutissant à une conclusion claire, à travers une problématique et une discussion organisée.
À tous, nous souhaitons un bon voyage.
Pr. Frédéric BIETH
Paris – Stockholm 2011